L'éternel "retour aux fondamentaux" : le calcul

Le "retour aux fondamentaux" à l’école primaire est régulièrement évoqué. Pour contribuer au débat, Tolosana vous propose de remonter le temps. Après la lecture, le calcul, avec une méthode miracle pour apprendre les tables de multiplication, cauchemar des enfants et des parents : Le Chant (1) de la table de Pythagore, par le médecin toulousain Germain Cany (Paris, vers 1833).

Si les tables de multiplication en chansons sont une chose courante aujourd'hui, et se trouvent en abondance sur Internet, il n'en était pas de même au début du XIXe siècle, quand Germain Cany compose ce chant. L'enseignement des mathématiques à l'école primaire était d'ailleurs encore très peu développé.

Le titre de départ indique que cette méthode a d'abord été introduite dans les écoles mutuelles de Toulouse, Bordeaux et Paris . L'Instruction placée à la fin précise comment elle a permis de rendre facile et même agréable l'apprentissage "d'études abstraites et rebutantes pour les imaginations fugaces des enfants" : "les moniteurs ont été dressés en trois jours" et "huit jours ont suffi à l'école toute entière pour répéter chants et paroles", alors qu'il fallait auparavant plusieurs semaines d'apprentissage pour apprendre les tables. Et, par la même occasion, cette chanson "développe la voix, exerce l'oreille et met en jeu les organes de la respiration". Une note (dont l'appel est curieusement placé à l'intérieur du titre) précise que le chant doit être exécuté seulement pendant les marches, qui rythmaient la vie scolaire des écoles mutuelles.

C. Ferber, Arithmétique élémentaire à l’usage des écoles, 1840 (Source : Gallica)L'expression "table de Pythagore" est ici employée au sens de "tables de multiplication", alors qu'au sens strict la table dite de Pythagore (du nom de son inventeur prétendu) est une représentation synthétique sous forme de tableau à double entrée des tables de multiplications de 1 à 9 (ou plus).  

L'auteur a droit aux honneurs du Journal officiel de l'Instruction publique du 25 août 1833 :  l'extrait reproduit en début de brochure vante son "procédé" original permettant aux enfants "d'apprendre la science de la multiplication des nombres, sans efforts et même avec plaisir" grâce à un "air simple et harmonieux qu'il a su adapter aux paroles"2. Le texte, assez long, précise que sa méthode, expérimentée avec succès dans des écoles toulousaines, vient d'être introduite dans les salles d'asile (écoles maternelles) et les écoles communales de Paris. Le premier couplet est même chanté "avec accord et justesse" devant le préfet de la Seine à l'occasion la distribution des prix de l'école Cochin3, le 19 août 1833. Deux ans après, cette brochure figure dans le très bref Catalogue des livres qui devront composer les bibliothèques des écoles normales primaires dressé par le Conseil royal de l'Instruction publique le 7 juillet 18354.

L'exemplaire de cette brochure ici présenté a été remis en vente en 1873 à Toulouse, à la fin de l'ouvrage Recueil des oeuvres scientifiques littéraires et d'utilité publique du docteur Cany. Il fait partie de la collection Pifteau, conservée à la BU de l'Arsenal (UT Capitole). D'autres titres de cet auteur sont consultables sur Tolosana : Notice sur les eaux minérales acidulés-ferrugineuses de Ste.-Magdelaine de Flourens, près Toulouse, Le Propagateur des procédés industriels dans le Midi de la France (publié avec Urbain Vitry). Ces publications témoignent que l'éducation, notamment des jeunes enfants, faisait partie des nombreux centres d'intérêt de Germain Cany.

1 - L'enseignement mutuel repose sur le principe d'écoles dirigées par un unique maître, où les élèves sont répartis par classe de niveaux, et les leçons sont essentiellement délivrées par certains élèves appelés moniteurs, selon un système très organisé et hiérarchisé. Apparu au XVIIIe siècle en Europe, il a connu un certain succès en France de 1815 aux années 1840.

2 - L'air est certes assez simple au début, mais ce n'est plus tout à fait vrai à partir de la partie 4.

3 - L'une des premières écoles maternelles françaises, fondée en 1827 à Paris par Denis Cochin rue Saint Hipolytte, faubourg Saint-Marcel, dans l'ancien 12e arrondissement, le plus pauvre de la ville   conserver le lien à la photo ?

4 - Avec Le chant du décalogue, dont il n'a pas été retrouvé d'exemplaire

 

Pour en savoir plus :

Claire Giordanengo, "La grande vogue de l'enseignement mutuel", Interfaces, 24 ct. 2020. En ligne.

Valérie Legros. Apprendre l'arithmétique dans les manuels au XIXe siècle. Lyon, PUL 2019

 

Posté le 14/11/2023 | Par Marielle Mouranche

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