Avoir des soucis n’est pas toujours de mauvais augure ! Lorsqu’il fleurit dans votre jardin dès le mois d'avril le souci, ou souci officinal (calendula officinalis), célèbre avec panache le retour des beaux jours de ses flamboyants capitules jaune d’or. Cette plante herbacée annuelle très commune dans les régions méditerranéennes appartient à la famille des Astéracées. Si elle dégage une odeur cireuse forte et peu appréciée en général, nous allons voir que cette plante possède de multiples vertus. La planche ici représentée est extraite du premier tome de la Flore de l’Aude, d’Athanase Py, manuscrit réalisé vers 1892 et comptant plus de 2600 planches aquarellées. Celle-ci figure une plante de 30 à 50 cm de hauteur et ce qui semble à priori une seule fleur de souci est en fait une inflorescence (un ensemble de fleurs) appelée capitule. Cette inflorescence est composée de fleurs centrales tubulées (le « cœur ») et de fleurs périphériques ligulées1 (les « pétales »). Elles sont toutes de couleur jaune-orangée, à la différence de la marguerite et de la pâquerette par exemple, dont les fleurs ligulées externes sont blanches tandis que les fleurs centrales tubulées sont jaunes.
L’utilisation médicinale du souci est très ancienne : la plante apparaît sous le nom de solsequia dans le capitulaire De Villis, texte réglementaire datant de la fin du 8e siècle ordonné par Charlemagne, qui recommande la culture d’un certain nombre d’espèces potagères ou médicinales dans les domaines royaux. Le nom vernaculaire du souci ne vient pas comme on pourrait le penser du latin sollicitare (tourmenter, préoccuper) mais de solsequia, « qui suit le soleil », du latin sol « soleil » et sequi « suivre ». En effet les capitules du souci s’ouvrent à l’apparition du soleil et se ferment à sa disparition. Puis la forme solsequia s’est transformée successivement en soulcil, soulcie pour aboutir au mot souci au 16e siècle. Depuis la période de l’Ecole de Salerne2 le nom scientifique calendula proviendrait du latin calendae qui désigne les calendes, premier jour du mois chez les Romains. En effet si les saisons sont clémentes le souci fleurit tous les mois presque d’un bout de l’année à l’autre. De plus il croît dans la plupart des jardins sans avoir besoin d’y être semé, le vent faisant office de jardinier.
Au 12e siècle, Hildegarde de Bingen, religieuse et herboriste, mentionne les vertus du souci qu’elle nomme ringula (proche du nom allemand ringelblume) dans son unique traité de médecine le Liber subtilitatum diversarum naturarum creaturarum. Elle préconise son utilisation sous forme de pommade pour guérir la gale et les ulcérations cutanées mais aussi comme antidote contre les poisons. Au 15e siècle ce sont les propriétés emménagogues3 du souci qui sont rapportées pour la première fois dans Le Grant Herbier en françois puis en 1554 par le médecin et botaniste flamand Matthias de l’Obel (1538-1616). Mais au 17e siècle le souci tombe dans l’oubli. Au 19e siècle il figure toujours dans la pharmacologie mais n’est plus utilisé, comme le fait remarquer le botaniste Joseph Roques dans son ouvrage Nouveau traité des plantes usuelles, spécialement appliqué à la médecine domestique et au régine alimentaire de l'homme sain ou malade publié en 1837. Délaissé un temps par la médecine officielle, le souci a toujours bénéficié d’un grand intérêt par la médecine populaire qui l’a utilisé contre les diverses maladies de la peau, les maladies nerveuses et l’hystérie, l’engorgement des viscères abdominaux, les affections scorbutiques et scrofuleuses, les fièvres intermittentes, la jaunisse, etc….
Aujourd’hui, on lui reconnaît des propriétés adoucissantes, anti-inflammatoires, antiseptiques, et cicatrisantes. On l’utilise surtout par voie externe sous forme de gel, crème, pommade ou de macérat huileux en dermatologie pour traiter les problèmes de peau bénins comme les coups de soleils, les petites plaies, l’eczéma, le psoriasis, l’ulcère veineux, les mycoses ou les piqûres d’insecte. En phytothérapie ces sont les pétales fraîches ou sèches qui sont utilisés en infusion, décoction sous forme de bains de bouche ou gargarismes pour soulager les maux de gorge et de bouche. Les feuilles fraîches sont utilisées en cataplasme pour soigner blessures et brûlures. Le souci aurait aussi d'autres propriétés plus discutées à savoir des vertus antispasmodiques, dépuratives ou emménagogues. Ainsi, il pourrrait soulager les inflammations gastriques, drainer et purifier le foie ou régulariser les cycles menstruels. Le souci est une plante comestible, ses pétales peuvent être consommés crus, ajoutés en garniture à des salades, des soupes ou des plats froids, leur nuance orangée apportant une touche de gaieté aux plats même si sa saveur acidulée légèrement amère ne fait pas l’unanimité parmi les gastronomes.
Cet ouvrage fait partie du corpus Flore, où l'on peut trouver d'autres représentations du calendula officinalis comme dans l'ouvrage Plantes usuelles, indigènes et exotiques (1807-1808) de Joseph Roques ou dans l'ouvrage Plantes de la France....par M. Jaume Saint Hilaire
1 Fleurs en languette
2 Première école de médecine européenne, fondée en Italie au 9e siècle
3 Qui provoque ou facilite le flux menstruel
Pour en savoir plus :
Tela Botanica : le réseau des botanistes francophones. [site web]
Laurence Moulinier. Hildegarde de Bingen, les plantes médicinales et le jugement de la postérité : pour une mise en perspective. Les plantes médicinales chez Hildegarde de Bingen, Oct 1993, Gent, Belgique. pp.61-75. halshs-00608791 [en ligne]
Posté le 06/05/2025 | Par Anne-Sophie Bouvet