En 1511, Charles de Bovelles (1479-1567) publie un recueil d’une douzaine de petits traités métaphysiques et mathématiques dans lesquels l’illustration tient une part importante. Ce philosophe humaniste enseigne alors à la faculté des arts au collège du Cardinal Lemoine à Paris. Ancien élève de Lefebvre d’Etaples, Il fait partie de ce qu’on a appelé le groupe des « fabristes » [1], réunis autour de cette figure éminente de l’humanisme français du début de XVIe siècle et animés par un même idéal pédagogique. En 1515, Bovelles devient chanoine de la cathédrale de Noyon. Il a publié une œuvre assez importante dans des domaines variés : philosophie, théologie, mathématiques, linguistique et poésie.
Ce recueil paraît à Paris en 1511, sans nom d’auteur, sous un titre très long qui énumère les différentes œuvres philosophiques et mathématiques qu’il contient : Que hoc volumine continentur Liber de Intellectu, Liber de sensu. Liber de nichilo. Ars oppositorum. Liber de generatione. Liber de sapiente…. De geometricis supplementis. Bovelle y développe sa propre pensée, énonçant les fondements philosophiques du savoir humain dans sa diversité.
Les figures (illustrations, diagrammes, schémas...), gravées par un artiste resté anonyme, sont présentes en nombre dans le volume. Elles témoignent de l’importance accordée par Charles de Bovelles à ce moyen didactique, selon lui aussi important que l’écrit pour la pédagogie. Les images servent à comprendre, à mémoriser et à s’ouvrir sur d’autres connaissances.
La plupart des figures, de taille réduite, sont incluses dans le texte. Certaines occupent une place plus importante dans la page, comme cette gravure du « Studiosus palestrites » (l'athlète de l'étude), qui résume les idées de Bovelles sur les modes d’acquisition du savoir : la lecture, la parole, l’écoute, l’écriture et l’imagination, qui passent par l'intermédiaire des yeux, de la bouche, des oreilles, des mains et du cerveau, les cinq moyens que doit mettre en branle "qui désire parvenir plein de science jusqu'aux cieux éthérés" [2]. Pour Bovelles, il existe une continuité entre l'intellect et les sens et « De même que le corps est le véhicule de l’âme, de même le sens est celui de l’intellect même ». Un éventuel effet de mise en abyme est à noter dans cette illustration : le grand livre posé sur les genoux du personnnage contient des figures, peut-être extraites d'un des traités de Charles de Bovelles. Cette représentation peut être rappochée de celle de l'"Homo studiosus", que l'on retrouve plus loin dans le volume [3].
Cet exemplaire a appartenu à Jean Boyer (14..-1546), archidiacre de Conques, secrétaire et sans doute bibliothécaire du cardinal Georges d'Armagnac. Comme sur la plupart des livres de sa bibliothèque personnelle, il y a laissé des marques de lecture caractéristiques, ici relativement peu nombreuses : quelques gravures ont été coloriées [4], sur plusieurs pages les majuscules ont été rehaussées de couleur jaune. Sur la quarantaine d'ouvrages lui ayant appartenu recensés dans les bibliothèques publiques, près de la moitié sont conservés à la BU de l'Arsenal (UT 1Capitole). Neuf d'entre eux sont en ligne sur Tolosana.
Pour en savoir plus :
Anne-Hélène Klinger-Dollé. Le De sensu de Charles de Bovelles (1511). Conception philosophique des sens et figuration de la pensée. Droz, 2011.
Matthieu Desachy. «Je scrivoys si durement que fasoys les muches rire. Portrait de lecteurs: étude des exemplaires annotés de Jean Boyer, archidiacre de Conques, et de Jean Vedel, chanoine et official de Rodez (XVIe siècle)», Bulletin du Bibliophile, 2001, n° 2, pp. 270-314.
[1], avec notamment Josse Clichtove, Beatus Rhenanus. Le mot fabriste vient du nom latinisé de Lefebvre d’Etaples : Faber Stapulensis
[2] Dans le Liber De sensu (Le Livre du Sens), f°60 v°
[3] Dans le Liber de sapiente (Le livre du sage), f° 119, v°
[4] f°37, f°60 v°, f° 63v°,
Posté le 30/01/2020 | Par Marielle Mouranche