Une eau minérale toulousaine : l'eau de Bourrassol de la fontaine d'amour

En ces temps de canicule, Tolosana vous propose de vous rafraîchir grâce à l’eau de Bourrassol, puisée à la fontaine d’amour. Dans la première moitié du XXe siècle, les établissements "Eaux de Bourrassol" produisaient eau de table, limonade et sodas toulousains, avant de péricliter face à la concurrence des grandes marques. Utilisée au début du XIXe siècle pour ses vertus médecinales, puis comme simple eau de table, cette source a fait l'objet à un siècle d'intervalle de plusieurs études scientifiques : en 1824, par le pharmacien Bernardet, et en 1906, par le professeur toulousain Félix Garrigou, fondateur des études d'hydrologie médicale.

L’eau de cette source, située à Toulouse, dans le faubourg de Bourrassol (sur la rive gauche de la Garone, vers la rue Paul Descamps) utilisée d’abord comme eau médicinale puis comme simple eau de table, a fait l'objet de plusieurs études contradictoires. La première à avoir été publiée est celle faite en juin 1824 par le pharmacien Bernardet. Prenant soin de préciser qu’il est « étranger à tout intérêt personnel » il indique avoir entrepris ces analyses suite au « bruit public » signalant l’existence d’une source d’eau minérale aux portes de Toulouse. La description qu’il en donne n’est pas très engageante : l’eau a une odeur fétide, une saveur terreuse et elle « louchit » (perd de sa limpidité) à température ambiante. Ses analyses concluent notamment à la présence d'acide carbonique, carbonate de fer, carbonate de chaux, matières grasses; muriate de soude et  silice, mais il se garde de prendre parti sur ses vertus thérapeutiques, laissant "une plus haute science" décider si ces eaux "peuvent être employées au soulagement de l'humanité".

Des avis opposés sont rendus par les médecins : pour Jean Conté, qui fait en juillet 1824 une communication devant la Société de médecine de Toulouse, cette eau ferrugineuse est apte à guérir toutes sortes de maux (anémie, nausées...) ; la même année, une commission formée de médecins et pharmaciens toulousains (dont Viguerie, Lafont Gouzy et Bernardet), la déclare efficace pour le traitement des bronchiteux et les catarrheux ; en revanche,  la commission nommée par l'Académie royale de médecine la déclare insalubre et pernicieuse. Une autorisation d’exploitation comme eau minérale est finalement obtenue en décembre 1824 par le propriétaire, M. Talexi.

Près d’un siècle plus tard, le nouveau propriétaire, Paul Descamps, fait réaliser une nouvelle analyse avant de décider de développer l'exploitation de la source. Il fait appel à une autorité en la matière, Félix Garrigou, premier universitaire français à avoir enseigné l'hydrologie médicale, à la faculté de médecine de Toulouse1. L'étude est publiée en 1906, sous le titre Etude sur l’eau de Bourrassol dite « fontaine d’amour »,  par Félix Garrigou et Albert Gautié.

Elle débute par un historique de l'usage de cette source. En 1828, l'eau de Bourrassol figure dans le dictionnaire des eaux minérales de Durand-Fardel, Lebert et Lefort comme une eau minérale ferrugineuse ("eau sulfurée" dans la brochure de Garrigou). Mais quelques années plus tard sa réputation en tant qu’eau médicinale faiblit et elle n’est plus exploitée qu’au titre d’eau de table, par les propriétaires successifs de la source. Ses concurrents  - dont les plus féroces sont les producteurs de l’eau dite de l’Immaculée Conception - répandent  des « on-dit » défavorables ; une plainte, qui n'aboutit pas, est même déposée auprès de la préfecture par des producteurs toulousain d'eau de seltz. La société des eaux de Bourrassol fait alors faillite et est rachetée par Paul Descamps. L’étude de Garrigou et Gautié se poursuit par une analyse chimique très précise, qui conclut que cette eau n’a pas de qualité médicinale (quoique légèrement diurétique) mais est parfaitement potable et gazéifiable (et même meilleure que les eaux des fontaines de la ville). Elle explique que sa composition a changé par rapport aux années 1820 : l’acide sulfhydrique n’était alors présent que parce que cette eau était croupissante, ce qui n’est plus le cas.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le propriétaire, fort de cette caution scientifique dont il se revendique, exploite alors avec succès cette source pendant plusieurs dizaines d’années : dès 1906, des publicités vantent l'eau de Bourrassol, d'une "pureté absolue" et  les "boissons gazeuses tels que  limonade russe2, siphons" ; en 1912, elles invitent même à "Se méfier des eaux de la ville" ; puis, dans les années 1920, apparaissent les « sodas pur sucre et fruit » commercialisés sous la marque Roly. On peut encore trouver dans les brocantes des siphons de la Société des eaux de Bourrassol.

 

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1 -  Plusieurs de ses carnets de terrain, consultables sur Tolosana, portent la trace de ses analyses de diverses eaux minérales.

2 - Le mot limonade désigne alors toute boisseau gazéifiée sucrée.

Posté le 07/07/2023 | Par Marielle Mouranche

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