Images à découvrir : Un best-seller catalan : la Peregrinacio del venturos pelegri

La Peregrinacio del venturos pelegri (Le "Pélerinage du pélerin chanceux") figure parmi les textes les plus largement diffusés en Catalogne du XVIIe siècle à la première moitié du XIXe siècle. Il a principalement été imprimé à Barcelone et Cervera mais il existe aussi un petit nombre d'éditions dans d'autres villes catalanes, comme ici, à Gérone (par l'imprimerie Bro, fin du 18e ou début du 19e siècle). Il appartient au genre des ouvrages de dévotion, qui ont nourri la piété populaire en Europe, et présente de plus la particularité d'avoir été également l'un des textes les plus utilisés comme livre de lecture en Catalogne jusqu'au début du 19e siècle. C'est un petit livret1 de 48 pages, imprimé sur du papier de médiocre qualité, caratéristique des textes de la "Literatura de canya y cordill "(literatura de cordell en espagnol, littérature de colportage en français). Cette expression fait allusion à la façon dont ces documents étaient proposés à la vente : suspendus par leur pliure principale et attachés par des morceaux de roseaux formant une pince sur des cordelettes tendues horizontalement sous des porches ou dans des boutiques2.

Le texte, anonyme, est un petit manuel de vie chrétienne prenant la forme d'un poème en catalan racontant à la première personne les aventures d’un pèlerin entreprenant un voyage à Rome "per guanyar lo jubileu" (ou plutôt gagner l'indulgence plénière accordée en cas de pélerinage durant un jubilé2). Il se perd en chemin, connaît de si grands tourments et frayeurs (faim, froid, tempête, hurlements d'une bête féroce...) qu'il croit sa dernière heure arrivée et se met à prier la Vierge, Dieu et ses saints. Il voit alors apparaître une âme condamnée au Purgatoire pour les pêchés de son père, qui demande au pélerin d'utiliser pour la sauver l'indulgence qu'il va obtenir. Le récit se poursuit ensuite sous la forme de dialogues entre le pélerin, l'âme du Purgatoire, la mort, le diable et un ange gardien qui distillent quelques leçons de théologie morale et de pieuses exhortations. A la fin, l'âme disparaît, le pélerin retrouve son chemin, arrive à Rome, "gagne son jubilé" et permet à l'âme rencontrée sur sa route d'entrer au Paradis. Le texte est suivi, comme dans beaucoup d'autres éditions, des Coblas de la mort ("Couplets de la mort").

Cette édition, comme toutes celles qui sont recensées, est illustrée de neuf gravures sur bois assez rudimentaires mais très expressives, qui suivent la trame du récit. Les sept premières scènes se retrouvent, avec des variantes plus ou moins importantes, dans presque toutes les éditions. Les illustrations des cinq premières sont même identiques à celles éditées à Cervera par l'imprimerie de l'université au 18e siècle, ce qui indique que les bois ont été réutilisés. Les deux suivantes, sur la mort et le combat de l'ange gardien et du diable, semblent être une variante propre à cette édition. On trouve ensuite deux gravures "annexes", beaucoup plus rarement rencontrées dans la Peregrinacio : la Vierge aux sept douleurs (ou au sept glaives) et une représentation de la mort, en introduction des Coblas de la mort. A noter que l'on retrouve une illustration similaire de la Vierge aux sept douleurs dans un autre document de Tolosana : Septenario de los dolores de Maria, par N. de Belando (Valencia, 1772).

Comme souvent pour les livrets populaires, documents fragiles, souvent manipulés et longtemps méprisés par les collectionneurs, les exemplaires de cette édition ont presque tous disparu : celui-ci, qui provient de la collection Frix Taillade est le seul qui soit intégralement conservé (le seul autre recensé, à la Bibliothèque publique de Gérone, est très incomplet).

On trouve une vingtaine de documents en catalan sur Tolosana, dont la plupart proviennent du fonds Frix Taillade, collectionneur passionné par les langues de France, principalement l'occitan (BU Arsenal, UT1 Capitole) et du fonds des Capucins de Toulouse (BUC, UT Jean Jaurès).

1- 14 x 10

2- Cette  littérature est diffusée à travers un circuit qui lui est propre, avec au centre l'aveugle (ciego), colporteur d'imprimés   

3 - Appelé aussi année sainte

Pour en savoir plus :

Joan Mahiques Climent a consacré plusieurs articles aux éditions de ce texte, dont :

- "La ‘Peregrinació del Venturós Pelegrí’ ab les ‘Cobles de la Mort’: una sèrie de gravats en setedicions cerverines no datades", Zeitschrift für Katalanistik, 27, 2014 En ligne

- "La ‘Peregrinació del Venturós Pelegrí’ ab les‘Cobles de la Mort’: una sèrie de gravats en setze edicions cerverines (circa1730–1804)", Caplletra. Revista Internacional de Filologia 58, Primavera, 2015. En ligne

-  "La “"Peregrinació del venturós pelegrí" ab les "Cobles de la mort"”. Edicions impreses a Vic". Ausa, 2015, Vol. 27, Núm. 176  En ligne

-  "Cinc edicions del Venturós Pelegrí a la Bibliothèque Mazarine de París", Scripta, juin 2015   En ligne

- "Notes sobre la difusió impresa del Venturós Pelegrí als segle XVIII-XIX. Tres edicionsbarcelonines més una altra impresa a Lleida, BiD. Textos universitaris de biblioteconomia i documentació, 34, 2015 En ligne

 

 

 

Posté le 02/03/2021 | Par Marielle Mouranche

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