Figures de plantes : la violette odorante

« Aimable avant-couturière du printems, douce et timide Violette, qui peut te contempler sans éprouver un sentiment délicieux de tendresse et de mélancolie ! En vain tu caches tes attraits sous le gazon naissant ou dans l’ombre du Bocage, tes suaves parfums décèlent malgré toi ton humble retraite, et guident la main fortunée qui doit te cueillir… » Ainsi est décrite la violette odorante ou viola odorata par le médecin Joseph Roques dans le second tome de son ouvrage Plantes usuelles, indigènes et exotiques.

« Des racines de la Violette odorante poussent un grand nombre de feuilles larges, arrondies, cordiformes, dentées, vertes, glabres ou légèrement pubescentes et portées sur de longs pétioles. Du milieu de ces feuilles naissent des pédoncules grêles soutenant une fleur composée d’un calice à cinq folioles obtuses, d’une corolle à cinq pétales inégaux, d’un violet plus ou moins foncé… »

Une description assez complète est également donnée dans l’ouvrage Medicinal plants publié par Robert Bentley et Henry Trimen en 1880 et dont la planche 25 est ici présentée.

Les traces les plus lointaines de la violette odorante remontent à l’Antiquité. Dans le bassin méditerranéen, on loue déjà son parfum ainsi que ses vertus curatives. Elle est utilisée sous forme de pommade et de tisane pour lutter contre les problèmes respiratoires et la toux, ou bien tressée en couronne pour apaiser les migraines. C'est principalement en raison de la suavité de son arôme qu'on se sert de la violette odorante. Cependant, cet arôme n’est pas exempt d’inconvénient puisqu’il a été parfois accusé de produire céphalalgie, syncope et même apoplexie.

Dans l’ouvrage Monographie de la rose et de la violette considérées sous leurs aspects d’utilité et d’agrément publié en 1804 par le médecin-naturaliste J. P. Buch’oz, il est précisé que «La violette possède deux qualités, celle qui dépend de son parfum agréable, qui la rend narcotique, propre au traitement des maladies de poitrine, des catarres et de la pleurésie … L’autre qualité, que les violettes réunissent à la première est d’être laxatives et émollientes …» Les pétales préparés sous la forme de miel violat et de sirop violat sont largement utilisés sous l’Ancien Régime et le sirop de violettes est «très-bien indiqué pour appaiser la soif, diminuer l’ardeur de la fièvre, calmer la toux, les douleurs de calcul…». Tout peut donc s’employer dans la violette : racine, feuilles, fleurs mais l’usage en est souvent réduit aux seules fleurs.

Au départ à l'état sauvage, la violette est cultivée à Grasse dès 1755 pour les besoins de la parfumerie. Elle est alors renommée dans toute l’Europe et sa culture devient l’une des plus importantes productions hivernales. Mais la violette odorante n’est pas la seule violette parfumée que l’on peut trouver en France. On compte aussi la violette blanche viola alba, la violette des collines viola collina, la violette admirable viola mirabilis et la violette suave viola suavis ou viola sepincola représentée ici par Athanase Py dans sa Flore de l’Aude, manuscrit réalisé vers 1892 et comptant plus de 2 600 planches aquarellées.

L’arrivée de la violette à Toulouse est l’objet d’une légende romantique dans laquelle on raconte qu’en 1850 un soldat de Napoléon III aurait ramené de sa campagne militaire en Italie une violette de Parme afin de l’offrir à sa bien-aimée, jeune jardinière de Saint Jory. La réalité rejoint quelque peu la légende puisque c’est de 1854 qu’on date l’arrivée à Toulouse de la violette Parme de Toulouse, dont la production fera la gloire de la ville rose. La culture se développe à Saint Jory, au nord de la ville, là où sont implantés les maraîchers. Quelques 20 ans après l’introduction de la violette, on compte déjà plus de 600 producteurs qui produisent plus de 600 000 bouquets par an. L’exploitation de la violette connaît une véritable expansion et une coopérative est même créée en 1907 sous le nom de « Société coopérative des producteurs de violettes de Toulouse-Lalande». Jusqu’au milieu du 20ème siècle, la production est florissante, les bouquets de violettes de Toulouse s’arrachent dans toute l’Europe. Mais après la deuxième guerre mondiale, un déclin s’amorce. L’hiver 1956, particulièrement rigoureux, entraîne la disparition de la majorité des plants de violettes. Il faudra attendre 1985 pour qu’un ingénieur agronome relance cette culture toulousaine afin d’éviter la disparition de cette variété de violette, emblème de la ville rose depuis 1960.

 

Pour en savoir plus :

Tela Botanica : le réseau des botanistes francophones. [site web]

Bonnier, Gaston. Flore complète illustrée en couleurs, de France, Suisse et Belgique. Tome second (p. 12-18 et planches 64-65)Paris : E. Orlhac,  1914-1935 [en ligne]

Botanique et médecine anciennes à travers le patrimoine des universités toulousaines. Toulouse : SICD, 2005

L’imagerie moléculaire au cœur des violettes de Toulouse. Jardins de France : revue de la Société Nationale d'Horticulture de France. N° 646, juin-juillet 2017 [en ligne]

Université Fédérale Toulouse Midi-Pyrénées. Les plantes médicinales : des plantes qui attirent, des plantes qui soignent [exposition virtuelle]

Bibliothèque nationale de France. Les plus beaux ouvrages de botanique illustrés. [en ligne]

 

Posté le 22/10/2020 | Par Frédérique Laval

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