François Bayle, médecin toulousain renommé du 17e siècle, dont les nombreux écrits ont circulé en France et au-delà, a pourtant été recalé par deux fois par la faculté de médecine de Toulouse pour un poste de professeur.
Né vers 1622 ou 16251, François Bayle s'est formé sur le tard à l'université de Cahors où il obtient licence et doctorat en médecine le 5 novembre 1661. Il est ensuite "agrégé" à l’université de Toulouse le 12 mai 1666 pour la licence et le doctorat (sorte d'équivalence de diplôme). Il y obtient trois jours après la maîtrise ès arts (Registre des licenciés et docteurs en toutes facultés de l’Université de Toulouse. f. 64 v° f. 65 r°).
En 1668, il postule une première fois pour un poste de professeur en médecine, à la suite du décès de Louis Queyrats. Il n’a encore rien publié2, et les thèses parfois non conformistes qu’il soutient dans les trois « préleçons » présentées pour le concours de recrutement n’ont pas joué en sa faveur. Il les édite à Toulouse l'année suivante, avec une préface où, tout en soulignant l’apport des médecins de l'Antiquité Galien et Hyppocrate (dont la doctrine constitue encore la base de l'enseignement universitaire), il n’hésite pas à affirmer qu’il faut parfois rejeter leurs erreurs (Dissertationes medicae tres…Toulouse, 1670, réédité à La Haye et Bruges en 1678 et à Toulouse en 1701).
Il n’a pas plus de succès lors de sa deuxième tentative, en 1676, pour remplacer le professeur O’Riordan. Il est alors médecin à l’Hôtel Dieu, examinateur pour les candidats à la maîtrise de chirurgie et a publié plusieurs ouvrages. Mais certains ne sont pas dans la ligne de l’enseignement de la faculté de médecine : Systema generale philosophicae3, 1669 [Système général de la philosophie], où il expose les doctrines du cartésianisme et, surtout, Discours sur l’expérience et la raison..., 1675, plaidoyer pour la science moderne où il n'hésite pas à critiquer les auteurs classiques. Ce nouvel échec n'est pas surprenant compte tenu de la teneur de la préleçon présentée à cette occasion. Il en fait paraître le texte l’année suivante sour le titre Tractatus de apoplexia, accompagné d'une Praefatio apologetica où il revient sur ces deux échecs et justifie son point de vue, soulignant au passage que les Dissertationes medicae tres ont reçu un accueil favorable en France et à l'étranger, sauf à Toulouse4.
Il finit néanmoins par intégrer l’université de Toulouse en 1679, mais comme professeur à la faculté des arts. Le mot arts doit être entendu au sens « d’arts libéraux », dénomination qui est une survivance du Moyen-Âge, bien que le vocabulaire et le contenu de l’enseignement ait changé depuis5. Au 17e siècle, l’enseignement de la faculté des arts6 constitue la dernière partie des longues études d’humanités commencées dans les collèges, soit deux années de "philosophie" (une année de "logique" et une de "physique"). C'est, sauf exception, un passage obligé pour accéder aux études de droit et de médecine. L’enseignement y est alors assuré par deux professeurs universitaires mais il ne va pas tarder à être exercé par les jésuites puis les doctrinaires7. François Bayle occupe jusqu'à sa mort en 1709 la chaire de physique, discipline qui ne recoupe pas exactement la physique actuelle. En 1700, il publie en trois volumes le contenu de ses cours sous le titre Institutiones physicae ad usum scholarum accomodatae.
L'ouvrage est, comme il est habituel à l'époque, divisé en multiples parties et sous-parties (volume, livre, section, dispute, chapitre, article....). La partie consacrée à la médecine est particulièrement développée. De manière prudente, il présente sur de nombreux sujets à la fois les thèses des anciens et celles des modernes. Chaque volume est illustré de plusieurs planches dépliantes, ce qui permet de les consulter en même temps que le texte correspondant.
Ce traité a semble-t-il reçu un très bon accueil et on en retrouve beaucoup d'exemplaires dans les bibliothèques. Celui numérisé sur Tolosana, l'un des 3 conservés dans les bibliothèques universitaires toulousaines, provient de la collection Fernand Pifteau (UT Capitole, BU Arsenal). Il fait partie du corpus Enseignement en pays toulousain.
Un grande nombre des publications de François Bayle sont consultables sur Tolosana. L'une d'entre elles a fait l'objet d'un précédent focus, Le "foetus de pierre" de Toulouse.
[1] La date de 1622 communément admise est sans doute erronée
[2] ou peut-être le Traité sur le mécanisme des mouvemens des liquides dans les vaisseaux..., 1668, cité par Didier Foucault, mais dont aucun exemplaire ne semble conservé
[3] Dont on ne conserve apparemment que la traduction en anglais "The general systeme of the Cartesian philosophy", publiée à la suite de A discourse written to a learned frier..., Londres, 1670
[4] L'ouvrage a notamment fait l'objet le 10 octobre 1670 d'un compte-rendu dans la revue Physical transactions de la Royal Society
[5] Au Moyen Age l'enseignement donné à la faculté des arts est un héritage du trivium (grammaire rhétorique dialectique) et du quadrvium (arithétique musique géométrie astromie) de l’Antiquité
[6] La faculté des arts est la plus mal connue des facultés de l'université de Toulouse
[7] Après l'"agrégation" de leurs leurs collèges à l’université, par étapes à partir de 1681 pour les jésuites et en 1717 pour les doctrinaires du collège de l’Esquile.
Pour en savoir plus
Patrick Ferté. "François Baylé (1622-1709), médecin universitaire. Son origine géographique et sociale. Son testament". Revue de Comminges et des Pyrénées centrales, 2001, t. CXVII, pp.205-220.
Histoire de l'université de Toulouse, vol. II L'époque moderne par Patrick Ferté. Toulouse, EdiMip, UFTMiP, 2000
Foucault, Didier. "Médecine et philosophie au XVIIe siècle : François Bayle". Cahiers du centre d'étude et d'histoire de la médecine, 1997. En ligne
Gaussail, Adrien-Joseph. Fragment d'une étude sur François Bayle, Toulouse, 1863. En ligne
Posté le 30/08/2024 | Par Marielle Mouranche