Emile Cartailhac : figure incontournable des études préhistoriques... et de Tolosana

L'exposition "La passion de la préhistoire : l'incroyable destin d'Emile Cartailhac (1845-1921)", présentée du 17 novembre au 17 décembre à la Bibliothèque universitaire centrale (UT Jean Jaurès), marque le début des manifestations organisées pour le centenaire de la mort de cette grande figure toulousaine des études préhistoriques et archéologiques par Marie-Laure Le Brazidec et Sandra Péré Noguès (laboratoire Traces).

 

A cette occasion, nous vous proposons de découvrir une petite sélection des archives Emile Cartailhac consultables sur Tolosana. Ce sont près de 6000 documents dispersés entre plusieurs lieux du Midi toulousain1 qui ont pu être rassemblés et mis en valeur grâce au travail collaboratif mené par le SICD (Université fédérale Toulouse Midi-Pyrénées), le Muséum dhistoire naturelle de Toulouse, l'Association Louis-Bégouën, les archives municipales de Toulouse, le PCR Archives Cartailhac, ainsi que le laboratoire TRACES (UTJJ/CNRS) dans le cadre du projet "Archives des préhistoriens en Midi-Pyrénées"2.  L’ensemble le plus notable est formé par la correspondance reçue par Emile Cartailhac : plusieurs milliers de lettres envoyées par près d'un millier de correspondants. Des documents conservés à la Bibliothèque municipale de Toulouse y seront progressivement ajoutés.

A travers ces documents, c’est presque l’intégralité du parcours et des recherches d’Emile Cartailhac qu'il est possible de suivre.

Emile Cartailhac termine ses études secondaires à Toulouse où sa famille s'installe en 1860 puis s'inscrit à la faculté de droit où il obtient sa licence en 1868.

Parallèlement, il réalise ses premières fouilles dans les dolmens aveyronnais, principalement dans le pays saint-affricain où il a des attaches familiales. Elles font l'objet de ses premières publications, dont en 1867 "Distribution des dolmens dans le département de l'Aveyron". Passionné d'histoire naturelle et d'archéologie, il s'intéresse particulièrement à la préhistoire et notamment à la question de l'ancienneté de l'homme. Il se révèle particulièrement dynamique, ce qui lui vaut d’être rapidement repéré par les autorités scientifiques de l’époque. Dès 1845, lorsqu'Edouard Filhol fonde le muséum d’Histoire naturelle de Toulouse, Cartailhac assiste le naturaliste Eugène Trutat dans l’organisation de la galerie des Cavernes de la section d’Anthropologie. Cette galerie toulousaine est la première d’Europe à présenter des objets préhistoriques. Il y travaillera ensuite en tant qu'attaché libre.

 

Lors de l’Exposition universelle de Paris de 1867, le jeune Cartailhac est choisi pour assister le paléontologue Édouard Lartet et le préhistorien Gabriel de Mortillet dans l’organisation de la Galerie de l’histoire du travail, qui a permis à  des millions de visiteurs de découvrir pour la première fois des vestiges préhistoriques.  Il en donne une description détaillée dans la Revue de Toulouse. Cette même année, il est le secrétaire adjoint du premier Congrès international d’archéologie préhistorique. À 22 ans, il s’impose déjà comme une figure incontournable de la discipline.

 

 

 

Planche jointe à une lettre de Henry Testot Ferry à Cartailhac (20 juillet 1869)A cette époque, l’archéologie préhistorique ne constitue pas une activité professionnelle. Peu attiré par le métier d'avocat, Emile Cartailhac renonce à l'exercer et sa fortune familiale lui permet de se consacrer entièrement à ses travaux et recherches. Il engage d’importants fonds personnels, notamment en 1869 avec le rachat de la revue Matériaux pour une histoire positive et philosophique de l’homme (fondée par Mortillet). Pendant plusieurs décennies, Émile Cartailhac parcourt l’Europe et se rend à tous les congrès d’archéologie préhistorique, donne des conférences, participe aux grands débats scientifiques de son époque. Il est membre d'un grand nombre de sociétés savantes françaises ou étrangères et entretient une abontante correspondance avec de nombreux confrères français et étrangers, comme Miles Burkitt, Gabriel et Adrien de Mortillet, Ernest Chantre, Salomon Reinach, J.L. A. de Quatrefages, Henri Breuil, Joseph Déchelette, Henry Testot-Ferry...

 

Il inaugure en 1883 un cours libre d’anthropologie préhistorique à la faculté des Sciences de Toulouse, premier enseignement de ce type en France. Son cours est supprimé en 1888 mais repris en 1893 à la faculté de Lettres, attirant un public nombreux.

 

L'année 1902 marque un important jalon dans sa carrière, lorsqu'il reconnaît l'existence d'un art pariétal préhistorique et l'authenticité des peintures de la grotte d'Altamira (Espagne), dans un article resté célèbre  : Mea culpa d'un sceptique3. En 1878, comme la quasi totalité de la communauté scientifique, Emile Cartailhac avait en effet refusé de suivre les conclusions du découvreur de ces peintures Marcelino Sainz de Sautuola, qui les avait datées de la préhistoire. Mais vingt ans plus tard il reconnaît son erreur, suite à de nouvelles découvertes et aux travaux d'une jeune génération de préhistoriens menée par Henri Breuil. Il se lance alors aux côtés de ce dernier dans l’exploration de nombreuses cavernes et participe à la découverte de plusieurs sites majeurs de l’art rupestre pyrénéen.

Relevé du « bison ponctué » de la grotte de Marsoulas, E. C., H. B.

Pragmatique et curieux, toujours prudent et critique, n'hésitant pas à mettre en avant ses doutes, Émile Cartailhac n'était pas un homme de système. Il fut en revanche un grand pédagogue soucieux de transmettre ses connaissances et de les partager avec tous les publics. C’est d’ailleurs à la veille d’une conférence qu’il devait donner à l’Université de Genève qu’il s’éteint, le 25 novembre 1921. 

légende Annotation d’E. Cartailhac sur : « Un dernier mot sur le pays des Sotiates : Opinion de MM Sacaze et Pasquier à propos d'une brochure de M. Garrigou », Bulletin… de la société ariégeoise des sciences…, 1890

1 Il s'agit : du fonds d’archives légué par Emile Cartailhac à son ami Henri Begouën (1863-1953), conservé par l’Association Louis Begouën au laboratoire de la Préhistoire de Pujol, Montesquieu-Avantès (Ariège), de l’ensemble de documents retrouvé il y a quelques années dans l’ancienne maison de Cartailhac, acquis par le Muséum d’histoire naturelle de Toulouse en 2012 et déposé aux Archives municipales ; du fonds d’archives du Muséum d’histoire naturelle de Toulouse, déposé aux Archives municipales ; du fonds de brochures annotées, conservé à l’Institut d’art préhistorique (UT2) jusqu’à sa disparition en 1991, et désormais à la Bibliothèque universitaire centrale de l’université Toulouse Jean Jaurès.

2 Avec le soutien du ministère de l'Enseignement supérieur et de la recherche

3 L'Anthropologie, vol. 13, 1902, p. 348-354

Pour en savoir plus :

 "Émile Cartailhac : une carrière au service de l’archéologie préhistorique".Conférence de François Bon et Sandra Péré Noguès au Muséum d'Histoire naturelle de Toulouse, 25 mai 2021

Posté le 23/11/2021 | Par Marielle Mouranche

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