Biographie de Felix Garrigou (1835-1920)

Joseph-Louis-Félix Garrigou est né le 17 septembre 1835 à Tarascon, dans le département de l’Ariège. Il poursuit des études de médecine à Toulouse et à Paris, où il obtiendra son doctorat en 1860, puis choisit d’orienter sa carrière vers les cures thermales en exerçant dans les stations pyrénéennes d’Ax-les-Thermes et de Luchon. Cette spécialisation l’amènera aussi à développer des recherches en géologie et en chimie. Certainement influencé par son père, l’historien Adolphe Garrigou, puis par ses rencontres dans le milieu universitaire toulousain où enseignaient des précurseurs de la préhistoire tels que Jean-Baptiste Noulet ou Nicolas Joly, il se lance parallèlement dans l’étude de l’ancienneté de l’Homme dès 1861. Il explore alors de nombreuses cavités en Ariège telles que Lombrives, L’Herm, Niaux, Massat, Le Mas-d’Azil, Bédeilhac ou Bouicheta. Son champ d’exploration s’étendra aussi sur tout le Sud-Ouest de la France en passant par les cavernes de Sallèles-Cabardès dans l’Aude, Bruniquel dans le Tarn-et-Garonne, Cabrerets dans le Lot, Gargas et Lourdes dans les Hautes-Pyrénées ou Izeste dans les Pyrénées-Atlantiques.

Un passage en Préhistoire : méthode, théories et lassitude…

Une telle activité peut étonner mais il faut savoir que Félix Garrigou ne s’attardait guère sur les sites qu’il visitait. Ses carnets de terrain nous apprennent qu’il lui suffisait parfois d’une journée pour satisfaire sa curiosité. Après avoir fait creuser par une équipe d’ouvriers quelques sondages, parfois même un seul, les relevés d’une coupe stratigraphique et du plan de la grotte, complétés par l’étude des objets recueillis, lui permettaient de publier rapidement puis de porter son intérêt ailleurs. L’on peut alors s’interroger sur la méthode. Il semble que ce chercheur n’était pas dans une démarche d’exploitation de riches gisements pour se constituer une belle collection. Son attitude est plutôt celle d’un théoricien qui a besoin d’observer et de comparer de nombreuses situations pour essayer d’en dégager des postulats. En guise d’exemple, nous pouvons indiquer ses recherches visant à confronter l’âge des vestiges que les grottes recèlent et leur altitude relative par rapport au fond des vallées, dont il essaya en vain de tirer une règle absolue. Dans le même esprit, il se déplaça en Suisse pour étudier des collections ou dans le Nord de la France pour observer les sites préhistoriques découverts dans les formations alluviales. On retrouve cette méthode dans l’analyse du mode de cassure des ossements retrouvés dans les gisements. Son approche est scientifique, poussant jusqu’à expérimenter lui-même en fracturant des os frais, mais il croit voir trop souvent l’action de l’homme sur les restes qu’il étudie, notamment des mâchoires d’ours des cavernes qu’il imagine taillées en guise d’arme, et ne parvient pas à convaincre ses collègues. En 1871-1872, il mènera un dernier combat, lui aussi perdu, en tentant de démontrer l’existence d’anciens habitats lacustres dans les Pyrénées, à l’instar de ceux qui avaient été découverts dans les régions alpines. Par la suite, son intérêt pour la préhistoire ne sera plus que sporadique et il se consacrera essentiellement à l’hydrologie médicale qu’il enseigna à la Faculté de médecine et de pharmacie de Toulouse jusqu’à son décès, le 18 mars 1920, victime du radium dont il étudiait alors les propriétés. A peine peut-on relever dans ses carnets la fouille d’abris de l’âge du Renne dans les environs de Gaujacq (Landes) en 1883 ou une publication sur la grotte de Lombrives à l’occasion du Congrès Archéologique de France tenu en Ariège en 1884.

L’héritage des collections

Cette indifférence explique certainement d’ailleurs la cession de ses collections. Après avoir envisagé une vente, il se ravise et propose, en 1881, un don au Conseil Général de l’Ariège sous condition de la création d’un musée départemental, heureuse initiative qui sera couronnée de succès. D’autres institutions ont aussi pu profiter de ses largesses comme le British Museum de Londres et le Muséum d’Histoire Naturelle de Toulouse, mais les relations avec ce dernier furent troublées. Il avait fait et publié ses premières découvertes en Ariège avec Henri Filhol qui était le fils d’Edouard Filhol, directeur de l’Ecole de médecine de Toulouse mais aussi promoteur du Muséum qui ouvrit ses portes au public en 1865 et pour lequel Félix Garrigou avait cédé une partie du produit de ses fouilles. Dès 1866, on assista à une première manifestation d’humeur à la suite d’un article dans le Journal de Toulouse qui oubliait de le mentionner parmi la liste des donateurs du Muséum. La rupture intervint en 1867 à l’occasion de l’Exposition Universelle de Paris où la section consacrée à l’Histoire du travail accueillait les collections de nombreux préhistoriens. Une vitrine était aussi installée par le Muséum de Toulouse et Félix Garrigou y reconnut ses propres découvertes mais accompagnées du seul nom de Filhol. Il protesta et chaque parti publia des articles pour porter ce différend aux yeux de tous. Le contact avec le Muséum de Toulouse ne sera renoué que bien plus tard, lorsqu’il sera nommé membre de la commission mise en place pour diriger cet établissement à partir de 1901.

L’occasion manquée de la révélation d’un art pariétal préhistorique

Il faut noter que ses collections ne furent pas riches en œuvres d’art paléolithiques. A côté de quelques gravures sur os, seul un galet gravé représentant un ours, trouvé dans la grotte de Massat, eut une certaine notoriété. De plus, comme nombre de ses contemporains, Félix Garrigou n’a pas eu la révélation de l’art pariétal préhistorique. Pourtant ses carnets nous apprennent qu’il a eu par deux fois l’occasion d’admirer les merveilleuses peintures du Salon Noir lors de visites à la grotte de Niaux. Le 7 avril 1866, il note : « Couloir secondaire à gauche et à droite grand couloir terminé par une rotonde. Parois avec drôles de dessins bœufs et chevaux ???? ». Puis, le 16 juin de la même année : « A gauche grand couloir déjà visité à pente ascendante, et terminé par une grande salle ronde portant de drôles de dessins. Qu’est-ce que c’est que cela ? Amateurs artistes ayant dessiné des animaux. Pourquoi cela ?? Déjà vu avant ». Il est toujours troublant de constater à quel point il a été difficile, pour des esprits pourtant si ouverts, de faire le lien entre les œuvres d’art mobilières, qu’ils possédaient et connaissaient si bien, et les représentations recouvrant les parois des cavernes.

 

Marc Comelongue, d’après l’article publié dans : Le Muséum de Toulouse et l’invention de la préhistoire, Ed. du Muséum de Toulouse, 2010

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