La première édition pirate de l'Esprit des Lois

Robert Darnton sera à Toulouse pour le festival L'histoire à venir et donnera notamment le 20 mai une conférence intitulée "Comment pirater les livres au siècle de Voltaire".

C'est l'occasion de présenter ici la première édition pirate de l'oeuvre majeure d'un autre auteur emblématique des Lumières, De l'esprit des loix, de Montesquieu. L'édition originale de ce texte a été publiée fin 1748, sans nom d'auteur ni date, chez Barrilot et fils, à Genève, pour éviter la censure royale française sur les publications  Parue avec le consentement de Voltaire et surveillée par le pasteur J. Vernet, cette édition est néanmoins très fautive.

Moins de trois mois après, une édition pirate (ou contrefaçon) paraît sous la même adresse, ou plutôt sous une adresse quasi-identique, puisque le nom de Barrilot est orthographié avec un seul r. C'est en fait une édition faite à Paris, par l'imprimeur-libraire Laurent Durand. Elle sera suivie en l'espace de quelques mois de plusieurs autres éditions pirates, signe du succès considérable de ce texte. La contrefaçon effectuée par Laurent Durand a longtemps été datée de décembre par les spécialistes, mais on considère désormais qu'elle a plutôt été effectuée en janvier, d'où les deux dates de 1748 et 1749 indiquées dans la notice. Le texte est quasiment identique à celui de l'édition originale : quelques erreurs ont été corrigées, mais d'autres ont été ajoutées.

Cette édition pirate se rapproche des contrefaçons au sens où nous l'entendons aujourd'hui, puisqu'elle imite l'édition originale et notamment sa page de titre. Mais le mot de contrefaçon est traditionnellement employé pour désigner toutes les éditions non autorisées.. Le plus souvent, il s'agit d'une réédition illégale d'un ouvrage publié par un autre éditeur qui a obtenu du pouvoir royal un privilège, qui lui accorde un monopole pour une durée déterminée... à condition de passer sous les fourches caudines des censeurs royaux (Quelques exemples sur Tolosana).  On emploie aussi le mot de contrefaçon pour les rééditions faites par des éditeurs étrangers, bien qu'il n'y ait là rien d'illégal au sens strict puisque le privilège du Roi ne s'applique qu'en France. Ici, il s'agit d'un cas moins fréquent, puisque c'est l'édition originale qui est publiée à l'étranger et la contrefaçon en France.

 

Pour en savoir plus : Catherine Volpilhac-Auger, avec la collaboration de Gabriel Sabbagh et Françoise Weil, Un auteur en quête d’éditeurs ? Histoire éditoriale de l’œuvre de Montesquieu, 1748-1964, Lyon, ÉNS Éditions, Métamorphoses du livre (Institut d’histoire du livre), 2011.

 

Posté le 17/05/2017 | Par

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Tolosana Université de Toulouse