Découvrez ou redécouvrez en intégralité sur Tolosana l'Epitome de Vitruve exposé au Musée des Augustins à Toulouse.

Le De Architectura de Vitruve, seul traité d'architecture de l'Antiquité qui nous soit parvenu, est devenu au cours de la Renaissance l’ouvrage de référence des architectes. Il était donc logique que  L’Epitome ou extrait abrégé des dix livres d'architecture de Marc Vitruve Pollion, publié à Toulouse de 1556 à 1559, ait été choisi pour figurer dans l’exposition « Toulouse Renaissance », présentée au musée des Augustins jusqu’au 24 septembre 2018.

Le projet de cette publication était de rendre accessible aux « artisans et aux studieux d’architecture » le traité de Vitruve, écrit en latin et composé de dix volumes. Le texte est donc abrégé et traduit en français par Jean Gardet, philologue et poète et enrichi de 35 illustrations par l'architecte parisien Dominique Bertin, actif à Toulouse de 1541 à 1565. L'abrégé est complété dans une deuxième partie par des commentaires, issus notamment des observations des sites antiques de Narbonne et des Pyrénées commingeoises.

Cette édition prend la suite, dans une optique légèrement différente, des grands interprètes du XVIe siècle de ce texte, et notamment de sa première traduction française, réalisée par Jean Martin et illustrée par Jean Goujon, parue chez Jacques Gazeau en 1547 et des Annotationes de Guillaume Philandrier, dont une édition lyonnaise paraît en 1552.

Le travail réalisé par Guyon Boudeville, imprimeur humaniste toulousain, témoigne à la fois de l'ambition et des limites de l'imprimerie à Toulouse au XVIe siècle.

Le choix de la gravure sur cuivre était novateur. L'Epitome fait partie des tout premiers livres français illustrés grâce à cette technique, qui permettait une plus grande finesse d'exécution mais qui nécessitait l’utilisation de deux presses (une pour les textes et une autre pour les estampes), ce qui compliquait le travail pour insérer les images dans le texte. C'est d'ailleurs une des raisons avancées par Guyon Boudeville pour s'excuser dans un avis au lecteur  des "fautes légères en l'impression de ce livre",  commencée quatre ans auparavant et interrompue à plusieurs reprises, "tant pour la difficulté de l'impression des figures que pour l'absence du traducteur ; joint aussi la peste qui sétoit r'enflammée". En raison de ces obstacles, l'impression s'étira de 1556 à 1559, et la deuxième partie resta inachevée (le commentaire ne porte que sur les trois premiers livres). Ces retards n'avaient pas été anticipés, et quelques pages de titre furent imprimées avec la date de 1556. A l'achèvement de l'impression, il fallut imprimer une nouvelle page de titre portant la date de 1559, mais on utilisa aussi les anciennes pour quelques exemplaires, comme celui présenté ici.

La diffusion de cet ouvrage n'eut sans doute pas le succès escompté. En effet, après la mort de Guyon Boudeville qui fut pendu pour protestantisme en 1562, le solde des invendus fut sans doute récupéré par les auteurs et transporté à Paris dans des circonstances mal connues, et remis en vente à trois reprises en 1565, 1567 et 1568 par l'imprimeur parisien Gabriel Buon avec une nouvelle page de titre "rafraîchie". Près de 40 ans après sa première mise en vente, il restait toujours des exemplaires invendus qui furent remis en vente  en 1597 à l'adresse d'Antoine Du Breuil, sous le titre Abrege des dix livres d’architecture...

L’exemplaire de la Bibliothèque universitaire de l’Arsenal de Toulouse en ligne sur Tolosana est précieux à plusieurs titres : il fait partie des très rares émissions avec une page de titre datée de 1556 ; il est enrichi d'annotations manuscrites anciennes en anglais et en français et porte les ex-libris gravés et autographes d’André Félibien, architecte et historiographe de Louis XIV. La possession de l’ouvrage de Jean Gardet et Dominique Bertin par un tel personnage témoigne de la portée de leur travail. L’exemplaire fait partie de la collection Fernand Pifteau, antiquaire et bibliophile toulousain mort en 1941.

 

Marielle Mouranche et Alice Coqueron.

 

Pour en savoir plus :

  • Daniel M. Millette, "L’Epitome ou extrait abrégé des dix livres d'architecture de Marc Vitruve Pollion" [en ligne], Architectura, 2012
  • Colin Debuiche, notice 1 du catalogue d'exposition Images d'architectures antiques (1500-1850) dans les bibliothèques universitaires toulousaines, Toulouse, 2009
  • Bruno Tollon, notice 69 du catalogue de l’exposition L’humanisme à Toulouse (1480-1580), 20 avril-22 mai 2004, Toulouse, 2004, p. 88.

Posté le 29/03/2018 | Par Marielle Mouranche

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